La Mastication des Morts

La Mastication des Morts est une œuvre composite, un kaléidoscope d'histoires, de monologues, de dialogues et d'aphorismes qui racontent la vie d'un village imaginaire, fortement inspiré de la ruralité française, sur une période de cent ans.

 

Bienvenue à Moret-sur-Raguse.

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Au cœur de ce village fictif se dresse la place du bourg, en face de l'église orpheline de son curé, décédé dans un accident de corbillard renversé. C'est là que se trouve le bistrot de la mère Pascale, un lieu où les histoires semblent infinies. À proximité, le cabinet du Dr. Lemoine, où les femmes viennent bien plus que pour une simple consultation médicale. Plus loin encore, la ferme des Riboux, témoin de sombres histoires d'homicides plus ou moins intentionnels. Et puis, il y a ce petit banc où chaque jour, "l'idiote du village, la bave aux lèvres," porte un regard innocent et incapable sur cette comédie humaine.

Comme dans tout village, Moret-sur-Raguse reflète l'humanité à travers ses multiples identités. Les murs centenaires ont des oreilles, et les pierres tombales sont les témoins silencieux du ballet des vivants qui finissent tous au cimetière. Leurs vies, en apparence ordinaires mais souvent ubuesques, sont remplies de cris, de pleurs, de rires, d'orgasmes et de colère, tout comme le silence de la campagne est empli des murmures de leurs âmes. L'Histoire se répète, et rien - mais tout - n'est jamais vraiment nouveau sous le soleil. Qui aime qui ? Qui blesse qui ? Qui est heureux ou malheureux ? Solitaire, aimé, rejeté, incompris ? Qui a commis un meurtre ? Et qui est oublié ? Qui est coupable ? En fin de compte, qui ne l'est pas ?

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Ce que les morts convoqués dans le texte nous susurrent à l'oreille, ce sont les réflexions sur le présent qu'ils partagent. Bien qu'ils soient passés de l'autre côté, leurs obsessions les accompagnent, tout comme de leur vivant. Comme un miroir tendu vers nous, l'œuvre explore la vie en parlant de la mort. Tout comme nous, les défunts cherchent à définir la mort, mais ils se heurtent à l'incertitude. Certains essaient de la définir, d'explorer ses mystères, de peser ses joies et ses peines, mais en vain. Les morts ont des mots non dits, des traumatismes non résolus, des comptes à régler et des secrets à partager. Ils cherchent la paix éternelle, même s'ils savent que c'est illusoire.

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Patrick Kermann définissait lui-même La Mastication des Morts comme un oratorio, un chant polyphonique célébrant les défunts, un rituel cathartique de glorification de la vie à travers le récit de son envers. Les voix chorales des membres décédés des familles Barret, Rimey, Larguit, Delput, Triboulet, Vinchon... invitent nos propres disparus à refaire surface dans l'antichambre de nos émotions. Chacun sa langue, parfois littéralement pendue, sa propre rhétorique, son débit, son vocabulaire fleuri et parfois son patois. La langue se mastique, s'étire, s'étiole, comme le temps qui passe inexorablement mais que l'on éprouve tous différemment. La Mastication des Morts devient alors cette périlleuse mais joyeuse tentative de réconciliation avec la mort que notre époque cherche à systématiquement nier et évacuer.